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Une brêve histoire du son sur PC

Posté : 18 mai 2023 16:31
par keyser
Avant de commencer à vous présenter le monde du son sur PC, il me semble opportun de remettre les choses dans leur contexte et retracer les grandes lignes de l'évolution de ces périphériques sur nos machines. Je le dis de suite, pas question ici de faire un article encyclopédique digne de l'Universalis ou de la Britannica, je vais juste vous parler des balbutiements du matériel sonore, et de l'évolution qui a mené aux chips intégrés sur nos cartes mère modernes. Et en profiter pour citer quelques marques mythiques sans lesquelles nous n'en serions pas là aujourd'hui. Ça servira surtout d'introduction à tout ce que je compte bien vous faire découvrir dans toutes les différentes sections de cette partie du forum. Et j'espère que d'autres que moi viendront enrichir celle-ci avec les trésors qu'ils doivent aussi posséder (et c'est vaste, croyez-moi).

Pour me replacer dans le contexte, j'ai donc vécu les débuts de l'informatique personnelle, par le biais d'un ZX81 d'abord, puis d'un Commodore 64 ensuite. J'ai sauté pas mal d'étapes de cette époque car un de mes oncles avait rapporté pour les vacances un Macintosh SE/30, et ça a été mon 1er contact avec une interface graphique pilotable à la souris. Puis j'ai directement basculé du côté obscur de la Force via un vieux XT286 sur lequel je me suis fait les dents, cadeau d'un autre oncle pour un travail de fin d'études que je rédigeais. Engrenage infernal lancé, monde du PC fabuleux et customisable à souhait, j'avais trouvé ma voie.

(fond sonore façon "2001 L'Odyssée de l'Espace" avec des tambours. "Ainsi parlait Zarathoustra" de Strauss les lumières s'éteignent, et le rideau s'ouvre)

Or donc au commencement, il n'y avait rien ! Les 1er jeux vidéo pour rappel étaient vraiment des expériences de laboratoire, au propre comme au figuré, réservés à des gars en tabliers blancs qui s'amusaient à bidouiller des oscilloscopes pour y afficher des pixels et s'émerveiller de pouvoir les déplacer avec des boutons poussoirs ou des potentiomètres. Quand ce n'était pas tout simplement des tableaux avec des lumières pour jouer bêtement au morpion. Et le son ne faisait tout simplement pas partie de l'aventure. Puis des jeux grand public ont fini par apparaître. Je pense ici à des trucs style Pong, qui étaient toujours aussi basiques. Il y avait certes du son, mais c'était de simples bips, émis par un petit haut-parleur voire un buzzer, ou directement par la télé quand c'était une version de salon.

Les choses évoluèrent donc vers des ordinateurs personnels, qui cependant n'avaient pas tous directement des capacités sonores, du moins au début. Un ZX81 par exemple était une machine très basique, fabriquée autour du célèbre processeur Zilog Z80, avec seulement 1Ko de mémoire, et sans la moindre capacité sonore. Mais il disposait d'un port d'extension à l'arrière où l'on pouvait chaîner différents modules qui augmentaient les capacités de l'engin. Celui dont je disposais cumulait ainsi une extension mémoire de 16Ko (gargantuesque à l'époque !), et également ce qui s'apparente plus à un buzzer qu'autre chose, mais ça faisait le job, et ça reproduisait des bips et des musiques, voire même des voix digitalisées avec des softs permettant de lire des phrases tapées à l'écran. Révolutionnaire pour un gamin d'une dizaine d'années :)

Des machines plus évoluées comme le Commodore 64, l'Atari 520ST, l'Amiga 500, et tous les autres disposaient eux d'un chip dédié au son, avec des résultats divers, mais la qualité s'améliorait au fil des années. D'un simple bip, on arrivait maintenant à être capable de produire de véritables morceaux de musique. Quels ne sont pas les groupes des années 80 à avoir user et abuser des capacités sonores des Atari ST ?

Dans le monde des PC, ça a pris un certain temps. Il ne faut pas oublier que les 1er ordinateurs PC (je pense à ceux de chez IBM) étaient des machines "sérieuses", destinées au monde de l'entreprise, au travail et à faciliter la tâche des gens. Mais comme nos laborantins en tabliers blancs du début, il n'y avait fort heureusement pas que des gens en costard-cravate qui gravitaient dans ce milieu, et les formidables capacités de ces machines furent utilisées par certains pour y développer des jeux. Et profiter du buzzer dont elles disposaient presque toutes pour y jouer des sons, comme avec les bornes d'arcade. Mais ça a vite montré ses limites, et il fallait innover.

C'est là qu'une marque, AdLib, a sorti en 1987 la 1ère véritable carte son dédiée au PC :

Image(source Wikipédia)

Elle utilisait un chip Yamaha YM3812 (aussi connu sous le nom d'OPL2) qui utilisait une synthèse FM pour produire les sons qui en sortait. C'était révolutionnaire car enfin les PC sortaient autre chose que de simples bips. On passait un pallier important, et de véritables mélodies, certes générées de façon synthétique, sortaient enfin des hauts-parleurs de nos machines.

Une autre marque de son côté avait développé et présenté une autre carte son la même année. Il s'agit de Creative Labs et de sa Creative Music System (CMS) :

Image(source Wikipédia)

Des puces Philips pour la synthèse FM, pour un résultat très différent à l'oreille. Mais la même idée pour chacun : proposer une synthèse FM afin de produire de la musique de bien meilleure qualité sur PC.

Gros avantage cependant pour ce que produisait la puce de chez Yamaha et la qualité qui en résultait. Creative Labs le comprit très vite, et intégra l'OPL2 sur une nouvelle carte, la Sound Blaster 1.0 :

Image(source Wikipédia)

Et ce fut un véritable raz de marée, le nom Sound Blaster devenant même un standard. Chaque constructeur se lançant dans l'aventure carte son se devait d'assurer une compatibilité de son produit avec celui de chez Creative Labs au risque de se voir purement et simplement éliminé de la course. Ou alors, proposer d'autres fonctions, et démarcher les développeurs afin d'intégrer directement dans leur jeux le support de cette carte et de ses fonctionnalités. Mais Creative Labs avait réussi un coup de maître et imposa son standard à toute l'industrie. Inconcevable de sortir un jeu qui ne supporterait pas au minimum le standard Sound Blaster ! Pour l'anecdote, l'OPL2 ne gérait que du mono, et Creative innova en mettant 2 OPL2 sur une même carte, la Sound Blaster Pro, gérant ainsi la stéréo car chaque puce s’occupait d'un canal. Ça fait très rustine ou bricolage, mais c'est aussi ça qui fait le charme des technologies de l'époque.

Image(source Wikipédia)

Et Yamaha de son côté ne se reposa pas sur ses lauriers, en proposant plus tard la puce YMF262, plus connue sous le nom d'OPL3, aussi appelée à devenir un standard et surtout une référence.

D'autres acteurs ont également joué un rôle important, et sont devenues des marques mythiques, à différents niveaux.

Du coté des cartes son, il y a aussi le canadien Gravis (nom complet Advanced Gravis Computer Technology, Ltd), qui a produit une série de produit d'une qualité exceptionnelle, les Ultrasound :

Image(source Wikipédia)

Elles étaient très différentes, en ce sens qu'elles reproduisaient la musique via une toute autre technique : elles disposaient de mémoire (upgradable sur les 1er modèles) dans laquelle on chargeait des patterns (fichiers .PAT). Ces fichiers étaient en fait des enregistrements d'instruments de musique, des échantillons, et donnaient du coup une reproduction beaucoup plus proche du son d'un piano par exemple que la simple synthèse FM. Les cartes Gravis ont vite trouvé leur public du côté de la scène des "demo makers" de par leur qualité sonore. Et rien ne vous empêchait de créer vos propres patterns ou d'en télécharger de nouvelles, et donc de modifier à l'envi votre expérience sonore. Puis à l'époque, il y avait des logiciels de lecture, plus communément appelés trackers, qui jouaient des fichiers .MOD ou .X3M, et avec une Ultrasound, on disposait d'un jukebox incroyable à la maison ! Mais tout aussi exceptionnel que fut le son au format Ultrasound, elles souffraient d'un GROS problème : une exécrable compatibilité avec le standard Sound Blaster.

Un autre pan de l'univers du son sur ordinateur, ce sont les périphériques MIDI, dont les marques Roland et Yamaha sont parmi les plus grands représentants. L'idée est très similaire à ce qu'a proposé Gravis avec ces Ultrasound : des ROM disposaient de sons d'instruments de musique pré-entregistrés, et les instructions transmises à l'appareil reproduisaient tel instrument avec telle note, se rapprochant quasi à l'identique du son qui serait sorti de cet instrument. La norme General MIDI qui a standardisé tout ça n'a cependant été finalisée qu'en 1991, et il y aussi eu quelques balbutiements avant. Un avantage du MIDI, c'est que les fichiers nécessaires étaient tous petits vu qu'ils ne contenaient qu'une succession d'instructions disant de jouer tel ou tel instrument et comment. Cela à comparer aux fichiers digitalisés, principalement aux format .VOC ou .WAV à l'époque, qui eux étaient énormes, à une époque où la taille de votre disque dur ne faisait parfois que 512Mo. Les MP3 et la compression sonore n'étaient pas encore d'actualité.

Les Atari ont été parmi les premières machines à gérer ce genre d'instructions. Ce n'est pas pour rien qu'elles ont été fortement utilisées par des groupes de musique, et même encore à l'heure actuelle dans certains studios d'enregistrements si je ne m'abuse. On pouvait directement brancher des synthétiseurs dessus, et créer toutes sortes de sons, et révolutionner la musique grâce à l'électronique. Kraftwerk par exemple sont des pionniers en Europe. Et le mouvement New-Wave a aussi fortement usé et abusé des ces nouveaux "jouets" (Depeche Mode au Stade France ce 24/06, j'ai mes tickets !!!). Et donc, il y avait ces périphériques avec leurs sons pré-enregistrés, qui ont fini par se retrouver connectés à des PC via bien souvent la prise joystick des cartes son, pour autant qu'elles répondent au standard MPU-401 (MPU pour MIDI Processing Unit) défini par Roland, et donc surtout qu'elles le gèrent. Les 1ère Sound Blaster ne le faisaient absolument pas, et on devait alors rajouter une carte d'extension qui proposait les prises adéquates, généralement un format DIN5 :

Image(source Wikipédia)
La mythique Roland MPU-401AT, qui ne fait malheureusement pas partie de ma collection.

Un de ces appareils qui a obtenu avec le temps le rang de véritable mythe aux yeux des aficionados dont je fais partie, est le Roland MT-32 :

Image(source Wikipédia)

Sorti en 1987 par Roland, donc avant l'établissement de la norme General MIDI, cet appareil fut beaucoup utilisé par les développeurs jusqu'au milieu des années 90 pour sonoriser la musique des jeux. On utilisait alors la carte son pour reproduire les effets sonores et les voix s'il y en avait, et toute la partie musicale passait par cet appareil. Inutile de préciser qu'on arrivait à un tout autre niveau que la synthèse FM des débuts, la musique sonnant de fait comme si on avait un orchestre présent en train de jouer devant nous. Finalement très simple, mais révolutionnaire et bluffant ! Anecdote : le MT-32, comme la majorité des appareils destinés à cet usage, disposait d'un petit écran LCD qui donnait différentes infos sur les instruments reproduits pendant l'utilisation. Cet écran est d'ailleurs devenu beaucoup plus riche et complet sur les appareils suivants, là où le MT-32 n'affichait que sur une seule ligne. Avec le MT-32 donc, les développeurs s'amusaient parfois à envoyer des messages à l'affichage, comme l'emblématique studio Sierra qui s'amusait dans Space Quest III à afficher un "Insert Buckazoid" si Roger Wilco notre héros se faisait tuer durant la partie :

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Puis donc, le standard General MIDI est venu mettre un peu d'ordre dans tout ça, car chacun y allait auparavant avec ses propres banques de sons, ce qui faisait un peu désordre. Et surtout, le résultat pouvait être très bizarre vu qu'un adressage par une marque ne correspondait bien souvent pas à l'adressage d'une autre marque, le son reproduit devenant alors une véritable cacophonie immonde.

C'est de nouveau Roland qui sortit un appareil également mythique au format General MIDI, le SC-55 (SC pour Sound Canvas) :

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Pour ceux qui l'ignoreraient, la bande son de Doom a été développée sur cet appareil. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle sonne si juste quand on l'écoute dessus.

Roland a également sorti une version interne du SC-55, sous forme d'une carte SCC-1 :
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La gamme ne s'est bien évidemment pas cantonnée à ce seul modèle, et d'autres ont vu le jour, apportant chacun son lot d'évolutions et de nouvelles fonctions : le SC-55mkII, le SC-88, le SC-88 Pro,...

Yamaha n'est pas resté inactif de son côté, et a sorti sa propre gamme d'appareils General MIDI. Leurs noms étaient MU80, MU128, MU2000,...

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Le Yamaha MU128

Bien d'autres marques se sont jointes à la danse, et il y a pléthore d'appareils disponibles (Akai, Kawai, Casio,...).

Dernier point que je voudrais aborder, ce sont les cartes filles Wave Table comme on les appelle. Est apparu sur les Sound Blaster 16 un tout nouveau connecteur à 26pins, le Wavetable Connector :

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Cerclé de rouge sur la photo, le connecteur Wavetable

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Gros plan d'un connecteur Wavetable sur une carte fille

C'est exactement la même chose que les modules externes présentés juste avant, sauf qu'ici, il s'agit d'une carte indépendante, que l'on connecte directement sur la carte son, et qui permet ainsi de bénéficier des plaisirs sonores du General MIDI.

De nouveau, beaucoup de constructeurs différents ont produit des cartes à ce format. Et même encore à l'heure actuelle, des artisans comme Serdaco (https://www.serdashop.com/) continuent d'en développer de nouvelles, soit des reproductions de ce qui se faisait à l'époque, soit de toutes nouvelles avec de nouvelles fonctionnalités. Ci-dessous, la version Wavetable d'un Roland SC-55, la Roland SCB-55 :
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Et rien n'empêchait un fabricant de cartes son d'inclure directement des banques sons General MIDI directement sur leur carte, faisant de celle-ci un outil ultime où tout était directement disponible. Chez Creative Labs ce sont par exemple les Sound Blaster AWE32 et AWE64 :

AWE32 :
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AWE64 Value:
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AWE64 Gold :
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Puis les cartes son ont quitté le bon vieux slot ISA pour migrer vers le slot PCI, rendant de plus en plus caduque la compatibilité avec MS-DOS. Mais on était dans une toute autre époque, et elles ont aussi amené leur lot d'innovations, et notamment la spatialisation et les effets sonores haut de gamme. Je prends l'exemple d'un jeu comme Doom 3, qui tirait parfaitement parti de la fonction EAX des cartes Sound Blaster Live! de Creative Labs. C'était un bon jeu sur une carte son basique, mais un tout autre environnement sonore avec cette fonction, où l'origine du son pouvait clairement être identifiée à tel ou tel endroit. Vous avez dit immersif ?

Et l'évolution de nos machines avec les cartes mère qui intégraient de plus en plus de fonctionnalités ont fini par sonner le glas de ces fabuleux périphériques. Realtek domine maintenant le marché outrageusement avec ces chips omniprésents. Gravis n'existe plus, Creative Labs est toujours là mais avec un catalogue nettement moins fourni, Roland est toujours bien là mais s'est plutôt centralisé sur tout ce qui touche aux instruments de musique... C'est dans l'ordre des choses, et ce n'est finalement que l'éternelle rengaine des appareils qui ont un jour changé quelque chose, mais qui ont fini par disparaître de notre quotidien.

L'Histoire de l'Informatique qui n'est finalement qu'une succession d'épisodes similaires...

La section cartes son est donc ouverte à tout le monde pour nous y présenter les trésors dont vous disposez (ou pas) et vous permettre de partager avec nous ce que vous avez vécu pendant toutes ces années. Ou tout simplement de vous contenter de la lire pour y découvrir ces merveilles que j'aime tant :)

Re: Une brêve histoire du son sur PC

Posté : 18 mai 2023 19:08
par DrDestroy
Universalis et Britannica ! Des références qui fleurent bon le siècle passé ! Moi j'étais plutôt Tout L'Univers, offert par grand maman à l'époque du primaire. Des ouvrages qui ne diront sans doute rien aux pré-ado de moins de 40 ans :lol:

Et 2001... Je suis fan de HAL... Quand on est assez dingue pour collectionner du matos pourri comme le socket 423 que personne n'aime, on aime forcément HAL :mrgreen:

Mais pour en revenir à nos moutons, merci pour cette synthèse de l'histoire du son sur PC qui va droit à l'essentiel.
La partie MIDI m'a bien intéressé car c'est un domaine qui reste floue pour moi. Et si je ne me vois pas m'encombrer d'un MT-32, je ne cracherai pas sur une wave table un des ces jours.

Le fond et la forme sont aussi chouette l'un que l'autre 8-)

Re: Une brêve histoire du son sur PC

Posté : 18 mai 2023 20:19
par keyser
Ne t'inquiète pas, j'ai en réserve des appareils fabuleux à vous présenter, qui peuvent même te faire bénéficier de toute la palette sonore d'un MT-32 sur du vieux matériel, et ça a la taille soit d'une wavetable en version interne, soit d'un Raspberry Pi 3A en version externe... :D